Ligne Forme CouleurEllsworth Kelly (1923-2015) dans les collections françaises

Estampe d'Ellsworth Kelly, Bleu et jaune et rouge-orange, 1964-1965

La bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) a reçu au printemps 2018 une donation exceptionnelle de la part du Studio Ellsworth Kelly : un ensemble de cinquante-quatre estampes et un livre d'artiste autour d'un texte de Mallarmé. Ces pièces constituent le noyau d'une exposition consacrée au peintre américain, conçue par l'INHA, intitulée Ligne Forme Couleur : Ellsworth Kelly (1923-2015) dans les collections françaises, accueillie à la Collection Lambert en Avignon du 5 juillet au 4 novembre 2018.

Ellsworth Kelly et la France

Durant toute sa vie Ellsworth Kelly a entretenu un rapport privilégié avec la France. Après avoir participé comme soldat à la libération du pays à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Kelly revient s'installer en France de 1948 à 1954, puis y séjourne régulièrement tout au long de sa vie. En France, il rencontre Picasso, Calder, Brancusi, Arp. Il découvre les œuvres de Matisse, Monet et les abstraits géométriques qui influenceront sa peinture, notamment dans sa quête de l'épure, de l'équilibre et de l'intensité des sensations. De retour aux États-Unis, côtoyant les travaux de Franck Stella ou de Jasper Johns, il renouvellera profondément, dans tout son œuvre, les possibilités de l'abstraction annonçant les changements radicaux opérés par les nouvelles avant-gardes : ses œuvres abstraites envisagées, comme autant de mises en volume de la peinture, induisent à la fois de nouvelles manières de créer et de nouvelles manières de regarder et d'expérimenter l'œuvre artistique.

Le séjour en France et plus particulièrement à Paris joue un rôle important dans la construction de l'art américain entre 1945 et 1970. Dans son ouvrage L'abstraction avec ou sans raison, Eric de Chassey, directeur de l'INHA, spécialiste de l'abstraction aux États-Unis et commissaire de l'exposition présentée à la Collection Lambert explique : « Pour devenir - ou redevenir - de grands artistes américains, reconnus par le pays qui valide toujours la pérennité d'une réputation marchande et institutionnelle (malgré tous les discours sur la globalisation du monde de l'art), les artistes américains de Paris auront ainsi à faire oublier qu'ils pourraient à certains moments être ou avoir été "too French" [...] Déjà, à la fin des années 1950, un Ellsworth Kelly n'établit sa réputation qu'en mettant de côté ses rapports avec l'abstraction construite européenne aussi bien qu'avec le modernisme de Picasso et de Matisse, jusqu'à ce que, dans les années 1990, son statut soit suffisamment établi pour qu'il devienne possible de les revendiquer à nouveau sans risque de parasitage. »

Ellsworth Kelly : Sunflower I (AX 313), 2004, lithographie, AP 4/12 (éd. 50), 97 X 73,7 cm. Image courtesy Ellsworth Kelly Studio © Ellsworth Kelly Foundation and Gemini G.E.L. LLC
Ellsworth Kelly : Sunflower I (AX 313), 2004, lithographie, AP 4/12 (éd. 50), 97 X 73,7 cm. Image courtesy Ellsworth Kelly Studio © Ellsworth Kelly Foundation and Gemini G.E.L. LLC

 

L'œuvre imprimé de Kelly

Ellsworth Kelly a réalisé des estampes pendant près de soixante ans. L'ensemble désormais conservé à la bibliothèque de l'INHA et présenté pendant l'été à la Collection Lambert, permet de mesurer la diversité de l'œuvre imprimé. On y découvrira sa première lithographie réalisée aux Beaux-Arts de Paris en 1949 ainsi que des séries comme celle des formes abstraites en aplat de couleurs vives, celle des plantes dessinées au trait noir réalisée à Paris au milieu des années 1960, les variations de 1988 autour de son propre visage ou de celui de son ami Jack, ainsi que des estampes de grande dimension comme la planche Seine et de la série Rivers, réalisée en 2005.

Dans l'œuvre imprimé de Kelly figure aussi le livre d'artiste Ligne Forme Couleur, qui donne son titre à l'exposition présentée en Avignon ; livre que l'artiste a réalisé en 1951 comme projet pour une bourse de la fondation Guggenheim. En introduction à son projet, Ellsworth Kelly écrivait cette phrase qui résume peut-être l'idée qu'il se faisait de la relation entre son œuvre imprimé et sa peinture : « This book will be an alphabet of pictorial elements without text, which shall aim at establishing a larger scale of painting, a closer contact between the artist and the wall, and a new spirit of art accompanying contemporary architecture. [Ce livre sera un alphabet d'éléments picturaux, sans texte, dont l'objectif est d'établir une échelle plus large de la peinture, un contact plus proche entre l'artiste et la cimaise et un nouvel esprit de l'art accompagnant l'architecture contemporaine.] »

Ellsworth Kelly :  Bleu et jaune et rouge-orange [Blue and Yellow and Red-Orange] (AX17), 1964-1965, lithographie sur papier Rives BFK, EA (éd. 75), 89,5 X 60,3 cm. Image courtesy Ellsworth Kelly Studio © Ellsworth Kelly Foundation et Maeght éditeur
Ellsworth Kelly : Bleu et jaune et rouge-orange [Blue and Yellow and Red-Orange] (AX17), 1964-1965, lithographie sur papier Rives BFK, EA (éd. 75), 89,5 X 60,3 cm. Image courtesy Ellsworth Kelly Studio © Ellsworth Kelly Foundation et Maeght éditeur

 

Références bibliographiques

 

Jérôme Bessière
Directeur adjoint de la bibliothèque de l'INHA

Publié par Jérôme BESSIERE le 3 juillet 2018 à 10:00

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