De sainte Agnès à saint Vincent, les confréries et leurs imagesMise en ligne de la collection d'images de confréries de la bibliothèque de l'INHA

Détail d'un diplôme d'entrée dans la confrérie de l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge, chromolithographie, XIXe siècle, bibliothèque de l'INHA, OB 3 (1). Cliché INHA

« Ce que sont les Écritures pour ceux qui savent lire, l’image le réalise pour les simples qui la regardent », écrivait le pape Grégoire le Grand au VIe siècle. Ainsi, l’Église a très tôt reconnu l’intérêt pédagogique des images religieuses, indispensables à la diffusion des récits bibliques auprès d’une population majoritairement illettrée. 

De la même manière, les confréries chrétiennes, implantées dans les paroisses françaises dès l’époque carolingienne, ont largement eu recours aux images de dévotion. Héritières des associations religieuses et des corporations de métiers romaines – regroupées sous le nom de collegia –, les confréries rassemblaient des fidèles désireux d’unir leurs prières et de bénéficier de la solidarité des autres membres. Le plus souvent vouées à un ou plusieurs saints patrons, elles prenaient également la forme de confréries de métiers – à ne pas confondre avec les corporations de métiers, dont les objectifs étaient purement économiques – telles que les confréries de Saint-Vincent pour les vignerons ou de Saint-Fiacre pour les jardiniers. Les confréries de charité, souvent consacrées aux défunts, étaient également répandues en Normandie et en Artois.

Gravure sur cuivre en taille-douce de la confrérie de saint Vincent de Rueil-Malmaison
Saint Vincent, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), Église Saint-Pierre et Saint-Paul, confrérie de saint Vincent, lithographie, 1888, bibliothèque de l'INHA, OB 2 (64).

Après une période de déclin au XVIIIe siècle, un décret révolutionnaire du 18 août 1792 signe l’abolition des confréries, dont les biens sont confisqués. De nouveau autorisées quelques années plus tard, elles renaîtront peu à peu au cours du XIXe siècle. Certaines perdurent encore aujourd’hui, à l’image des confréries du Rosaire ou de la confrérie de la Miséricorde de Mons.

Les images de confréries : de la gravure sur bois à la lithographie 

Au XVe siècle, le développement de la gravure sur bois puis sur cuivre en Europe et l’invention de l’imprimerie permettent l’impression et la diffusion d’un grand nombre de tirages d’une même image. Les images gravées pour les confréries, qui ne sont pas vendues par les marchands d’estampes comme les images de dévotion ordinaires, sont bénies, affichées ou distribuées aux membres, et utilisées comme supports de prière.

Deux siècles plus tard, Paris s’impose comme capitale européenne de la production d’images, statut que la ville conservera jusqu’à la fin du XIXe siècle. Les images des confréries parisiennes sont majoritairement gravées sur cuivre en taille-douce d’après la peinture savante, italienne puis française, et prises pour modèles par les graveurs de province. Si la taille-douce sur cuivre, plus coûteuse mais plus délicate que le travail sur bois, se voit privilégiée par les artistes parisiens, les images gravées en province le sont principalement sur bois. 

Gravure sur bois représentant le Saint Sacrement et gravure sur cuivre en taille douce représentant sainte Agnès
À gauche : Saint Sacrement, Toulouse, Faubourg Saint-Cyprien (Haute-Garonne), Église Saint-Nicolas, Confrérie du Saint Sacrement, tirage moderne d'un bois de 1602, XIXe siècle, bibliothèque de l'INHA, OB 2 (58). Cliché INHA. À droite : Gilles Rousselet, Sainte Agnès, gravure en taille-douce, XVIIe siècle, bibliothèque de l'INHA, OB 2 (68). Cliché INHA

À partir de 1830, la lithographie remplace peu à peu la gravure en taille-douce, même si de nombreuses confréries continuent de réemployer leurs anciens bois ou cuivres – souvent en les modifiant, en les associant à d’autres images ou en les agrémentant de différents textes (noms des administrateurs de la confrérie, date de la fête patronale annuelle, prières…).

Le début du XIXe siècle voit également naître les grands éditeurs industriels parisiens du quartier de la rue Saint-Jacques, centre de l’édition d’images parisienne depuis le XVIe siècle. Un grand nombre d’images de confréries portent ainsi les noms de Basset, Berthet, Letaille ou encore Bouasse-Lebel, maison active jusqu’à la Première Guerre mondiale.

  Lithographie de la confrérie de Notre-Dame des Malades de Paris
Jean-François Villain, Sainte Vierge (Notre-Dame des Malades), Paris, Église Saint-Laurent, Archiconfrérie de Notre-Dame des Malades, chromolithographie en couleurs, XIXe siècle, bibliothèque de l'INHA, OB 2 (135). Cliché INHA

La collection d’images de confréries de la bibliothèque de l’INHA

Jugées de faible intérêt, les images de confréries ont été longtemps négligées par les collectionneurs. Jules Husson, dit Champfleury, auteur de L’Histoire de l’imagerie populaire, fut le premier à s’y intéresser. 

Pour la plupart délaissés par le dépôt légal jusqu’au milieu du XIXe siècle, ces documents sont aujourd’hui d’une grande rareté. La bibliothèque de l’INHA possède l’une des collections d’images de confréries les plus importantes de France, issue d’un don de l’abbé collectionneur Jean Gaston. Le reste de la collection de M. Gaston, également auteur d’un catalogue sur le sujet – Les Images des confréries parisiennes avant la Révolution –, a fait l’objet d’une vente à l’hôtel Drouot le 24 octobre 1950. 

Le fonds d’images de confréries de la bibliothèque se compose de trois principaux types de documents :

  • les images de confréries proprement dites : représentations des saints patrons ou d’un épisode de leur vie pour la plupart, elles sont souvent accompagnées du nom de la confrérie, parfois de son règlement, d’un bref historique, des noms des administrateurs, d’une prière, de la date de la fête patronale… ;
  • les « placards » d’indulgences, recensant les autorisations ecclésiastiques de la confrérie et les indulgences accordées aux membres en récompense de leur dévotion, souvent agrémentés d’une vignette ;
  • les diplômes d’entrée dans une confrérie, laissés vierges en vue d’une utilisation future ou signés de la main de leur destinataire, décorés et accompagnés d’une image.

 Diplôme d'entrée dans la confrérie de l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge et placard d'indulgences de la confrérie de saint Agoard et saint Aglibert de Créteil
À gauche : Sainte Vierge, Congrégation érigée sous le titre de l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge Marie, chromolithographie, XIXe siècle, bibliothèque de l’INHA, OB 3 (1). Cliché INHA. À droite : Saint Agoard et saint Aglibert, Créteil (Val-de-Marne), Église paroissiale Saint-Christophe, Confrérie de saint Agoard et saint Aglibert, gravure en taille-douce coloriée, 1713, bibliothèque de l'INHA, OB 2 (5). Cliché INHA

Il s’agit d’un ensemble de 222 images imprimées entre le XVIIe et le début du XXe siècle, majoritairement datées du XIXe siècle et gravées sur cuivre en taille-douce. Les confréries d’Île-de-France sont les plus représentées, suivies par les confréries normandes ; de rares images proviennent également d’Espagne, de Suisse ou de Belgique. Anonymes, signées d’artistes reconnus comme Jean Lepautre ou inspirées d’œuvres de Charles Le Brun, Charles Eisen ou Sébastien Leclerc, elles sont parfois imprimées en couleurs ou coloriées à la main. Certains cuivres sont réutilisés plusieurs fois, parfois par des confréries différentes, ou combinés avec d’autres cuivres (voir OB 2 (78), OB 2 (96), OB 2 (97), OB 2 (98), OB 2 (99), OB 2 (100) et OB 2 (102), par exemple).

217 images de la collection font l’objet d’une description dans l’ouvrage de José Lothe et Agnès Virole, Images de confréries : conservées à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et à la Bibliothèque d'art et d'archéologie Jacques Doucet.

L’iconographie de la collection

Les images de la collection représentent majoritairement des personnages ou épisodes du Nouveau Testament et de divers âges de l'Église, avec le jeune Tobie pour seule figure de l'Ancien Testament.

Les principaux thèmes de ces images sont la Vierge, le Saint Sacrement et le Christ. Viennent ensuite les représentations des saints patrons : saint Pierre, saint Denis, sainte Geneviève, sainte Anne, saint Nicolas… Un grand nombre de confréries sont également dévouées au culte de l’Immaculée Conception et du Rosaire. 

L’iconographie varie peu. Les représentations des saints, semblables à celles que l’on retrouve sur toutes les images de piété, sont presque toujours identiques afin de faciliter leur identification. Ils sont généralement montrés avec leurs attributs – saint Pierre et ses clés, saint Dominique accompagné d’un chien portant une torche… – ou accomplissant des miracles, tels que la résurrection de trois enfants par saint Nicolas. Certaines scènes sont récurrentes, à l’exemple de l’apparition de la Vierge et de l’Enfant à saint Dominique et sainte Catherine de Sienne (ci-dessous).

  Gravure sur cuivre en taille-douce de la confrérie de Notre-Dame de Pitié de Puteaux et lithographie de l'Association du Rosaire Perpétuel de Lyon, représentant l'apparition de la Vierge et de l'Enfant à saint Dominique et sainte Catherine de Sienne
À gauche : Houat, d’après Testelin, Sainte Vierge (Notre-Dame de Pitié), Puteaux (Hauts-de-Seine), Église Notre-Dame de Pitié, Confrérie de la Sainte Vierge, gravure en taille-douce, 1841, bibliothèque de l’INHA, OB 2 (79). Cliché INHA. À droite : D'après Louis-Marie Lambert, Sainte Vierge (Rosaire), Lyon (?) (Rhône), Association du Rosaire Perpétuel, lithographie, XIXe siècle, bibliothèque de l'INHA, OB 2 (161). Cliché INHA

La collection d’images de confréries conservées à la bibliothèque de l’INHA est à présent consultable dans son intégralité sur la bibliothèque numérique.

En savoir plus

Julie Brunet

Service de l'informatique documentaire

Publié par Service d'informatique documentaire Bibliothèque INHA le 17 novembre 2017 à 09:15

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