La bibliothèque numérique Manioc

Manioc, bibliothèque numérique Caraïbe Amazonie Plateau des Guyanes

Le 28 mai dernier se tenaient à l’université des Antilles les Assises mobiles de l’histoire de l’art, réunissant à l’initiative de l’INHA les acteurs de l’histoire de l’art dans les Antilles françaises (enseignants-chercheurs, professionnels des musées et de la conservation). A cette occasion, une présentation de la bibliothèque numérique MANIOC était proposée par la coordinatrice du projet, Mme Anne Pajard. L'occasion de présenter cet outil important pour l’histoire artistique culturelle, sociale, économique et politique des Caraïbes, de l'Amazonie et de la Guyane.

Un projet collaboratif  sur les Caraïbes, l'Amazonie et le plateau des Guyanes

Dans le paysage des bibliothèques numériques françaises, souvent élaborées autour d’une identité thématique, Manioc se distingue d’abord en présentant des documents que rassemble leur rapport à une même aire géographique. Il s'agit ici d'une aire géographique large, Manioc regroupant des documents concernant aussi bien les Caraïbes que l’Amazonie et le plateau des Guyanes, ainsi que « toutes les régions ou centres d’intérêt liés à ces territoires ».  D’où le nom de cette entreprise atypique, choisi pour rendre hommage à une plante aussi importante pour cette zone que l’olivier pour les pourtours du bassin méditerranéen, et formant pour ces territoires, comme le dit la page de présentation de la bibliothèque : « lien identitaire fort et ancestral (…) de l'Amazone à Porto-Rico, la civilisation du manioc amer emporte sur ses pirogues cette plante toxique, et le savoir-faire qui la transmue en racine nourricière. Don de dieu pour les Amérindiens, plante du diable pour les colons nouveaux venus, l'ambivalence du manioc, rappelle l'entremêlement parfois difficile des peuples dans cette région du monde. »

[La culture du MANIOC]. Extrait de : Histoire naturelle et morale des iles Antilles de l'Amérique : enrichie d'un grand nombre de belles figures en taille douce, des places & des raretez les plus considerables, qui y sont décrites : avec un vocabulaire caraïbe (p.105)
[La culture du MANIOC]. Extrait de : Histoire naturelle et morale des iles Antilles de l'Amérique : enrichie d'un grand nombre de belles figures en taille douce, des places & des raretez les plus considerables, qui y sont décrites : avec un vocabulaire caraïbe (p.105)

Initiée en 2006, Manioc est d’abord un projet collaboratif rassemblant une dizaine d'établissements, piloté par le Service commun de la documentation de l’Université des Antilles, co-piloté par l'Université de Guyane et soutenu par le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche dans le cadre d'un programme adossé au Centre de Recherche Interdisciplinaire en Lettres, Langues et Sciences Humaines (CRILLASH).

Dès le début du projet, les partenaires suivants ont rejoint l'initiative :

  • le Conseil Général de la Guadeloupe (Archives départementales, Médiathèque caraïbe Bettino Lara, Musée Schoelcher, Musée Edgar Clerc),
  • la Ville de Pointe-à-Pitre (Réseau des bibliothèques),
  • le Conseil Général de la Guyane (Archives départementales, Bibliothèque Alexandre Franconie),
  • le Conseil Régional de la Guyane (Musée des cultures guyanaises),
  • le Conseil Général de la Martinique,
  • la Fondation Clément en Martinique.

La grappe d'entreprises minières guyanaises ORkidé a rejoint Manioc en 2013 pour la valorisation des archives minières.

Petit parcours dans les fonds numérisés

Cela dit, que peut-on s’attendre à trouver sur Manioc ?

D’abord près de 2 500 titres anciens numérisés (livres et périodiques confondus), ainsi que des fonds d’archives. Dans cet ensemble de documents anciens, il faut signaler l’importance de ceux portant sur deux thèmes : l’extraction minière de l’or, associée à l’histoire de la Guyane, et l’histoire de l’esclavage, de la mise en place de la traite transatlantique à son abolition, en passant par les résistances des esclaves eux-mêmes (insurrection, marronage).

[Au pays des chercheurs d'or] Di Cavalcanti, Emiliano (1897-1976)
[Au pays des chercheurs d'or] Di Cavalcanti, Emiliano (1897-1976)

[Esclave enchaîné]. Extrait de : La traite des nègres et la croisade africaine comprenant la lettre encyclique de Léon XIII sur l'esclavage, le discours du cardinal Lavigerie à Paris, les témoignages des grands explorateurs : Livingstone, Cameron, Stanley, des missionnaires français, etc., ainsi que l'organisation des sociétés antiesclavagistes en France et en Europe (p. 144). Permalien : http://www.manioc.org/patrimon/LAM17014
[Esclave enchaîné]. Extrait de : La traite des nègres et la croisade africaine comprenant la lettre encyclique de Léon XIII sur l'esclavage, le discours du cardinal Lavigerie à Paris, les témoignages des grands explorateurs : Livingstone, Cameron, Stanley, des missionnaires français, etc., ainsi que l'organisation des sociétés antiesclavagistes en France et en Europe (p. 144). Permalien : http://www.manioc.org/patrimon/LAM17014

Mais la collection, très riche, balaye bien d’autres thématiques. Des ouvrages documentaires sur la faune, la flore et l’exploitation économique de ces territoires représentent une grande partie du fonds, mais on peut également y trouver des romans, exploitant souvent le goût de la métropole pour l’exotisme, à l’exemple des Amours de Zémédare et Carina, et description de l'île de la Martinique (1806), de Prévost de Sansac de Traversay, (1806) imité de Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre,ou encore de Vaudou, roman de mœurs martiniquaises de Louis-Charles Royer… Étant donné l’importance du bagne dans la représentation de la Guyane pour la métropole, Manioc est également riche d’un ensemble important de documents sur le sujet, dont un étonnant roman-feuilleton en 162 fascicules (plus de 5000 pages tout de même), « le calvaire d’un innocent », intégralement consacré à la déportation d’Alfred Dreyfus à l’Île du Diable.  

A partir de ce fonds numérisé, Manioc propose une riche iconothèque.  Outre les thèmes déjà signalés, on relèvera que la bibliothèque propose également un ensemble d’images sur la flibuste et la piraterie, un aspect plus pittoresque peut-être de l’histoire des Antilles !

Pillage et incendie d'une ville américaine au XVIe siècle par des flibustiers français. Extrait de : Les frères de La Coste, Flibustiers et Corsaires (p. X). Permalien : http://www.manioc.org/patrimon/FCL18014
Pillage et incendie d'une ville américaine au XVIe siècle par des flibustiers français. Extrait de : Les frères de La Coste, Flibustiers et Corsaires (p. X). Permalien : http://www.manioc.org/patrimon/FCL18014

Un portail pour les résultats de la recherche universitaire et les pratiques culturelles contemporaines dans les Caraïbes

Cependant Manioc n’est pas seulement une bibliothèque numérique patrimoniale, à l’instar de celle de l’INHA ou de Gallica : le site joue également le rôle d’un portail donnant accès à une partie des résultats de la recherche concernant son aire géographique, que ces programmes émanent de l’université des Antilles ou de réseaux partenaires, et fait également place à la valorisation des artistes et pratiques culturelles contemporaines aux Caraïbes et en Amazonie.

Parmi les programmes de recherche il faut citer :

  • TRAMIL, autour de l’usage populaire traditionnel thérapeutique des plantes et de la validation scientifique de ces savoirs locaux, et sur le site duquel on trouve une liste de plus de 80 plantes utilisées traditionnellement dans les Caraïbes ;
  • La base « esclaves et affranchis de Guyane », base de données réalisée à partir du dépouillement des archives conservées en France et en Guyane, et permettant de rechercher des données biographiques concernant des esclaves guyanais.

La valorisation des pratiques culturelles contemporaines est quant à elle représentée par deux projets édités par la bibliothèque numérique :

  • La collection Écritures contemporaines Caraïbe-Amazonie, qui proposera à terme plusieurs sites dédiés à des écrivains contemporains : pour l’instant un seul site est mis en ligne, autour de l’œuvre de Maryse Condé.
  • La collection Mémoires et création, consacrée à des travaux artistiques sur le patrimoine culturel immatériel, avec, par exemple, une remarquable série de photographies de Jean-Michel André sur les combats de coqs en Martinique.

Enfin, on ne saurait trop conseiller de consulter régulièrement le blog de la bibliothèque numérique, qui regorge d’articles précieux présentant certains sous-ensembles des fonds numérisés.

 

Johann Gillium
Service de l'informatique documentaire

Publié par jgillium le 3 juillet 2019 à 09:30

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