​​​​​L'œuvre d'art la plus célèbre d'Amsterdam

Christiaen van Vianen, Adam van Vianen, Theodor van Kessel, Modelli artificiosi di Vasi diversi d'argento et altre Opere capriciozi, [Vers 1646-1652], Gravure, Bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet, 4 EST 275. Cliché INHA

La bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) recèle d'innombrables richesses, des documents uniques ou d'une grande importance comme ce recueil du milieu du XVIIe siècle qui vient d'être mis en ligne sur la bibliothèque numérique : Modelles artificiels, De divers Vaisseaux d'argent, et autres Oeuvres Capricieuzes, Inventées et Desseignées du renommé Sr. Adam de Viane.

Les modèles d'orfèvrerie aux formes curieuses qu'il propose ont été « mis en lumière », comme annoncé sur la page de titre, par Christiaen van Vianen (1606?-1671?) qui rend ici un hommage à son père l'orfèvre néerlandais Adam van Vianen (1569?-1627). Gravée en trois langues (italien, français et néerlandais), cette page de titre laisse supposer la portée internationale de la publication et témoigne de la renommée déjà établie des van Vianen, famille d'orfèvres de père en fils.

Willem Eerstensz. van Vianen (15??-1603), premier artiste de la lignée, n'a pas laissé d'œuvres connues mais il se chargea de l'apprentissage de ses fils Adam (1569?-1627) et Paul (1570?-1613). Adam reprît l'atelier de son père à Utrecht et Paul poursuivit sa formation puis sa carrière à l'étranger au service de grandes cours européennes notamment à Munich et Salzbourg. Les deux frères ont marqué l'histoire de l'ornement par le rôle principal qu'ils jouèrent dans le développement d'un langage ornemental bien particulier appelé style auriculaire en référence aux formes utilisées proches de celles d'un cartilage d'oreille. De cette bizarrerie stylistique faite d'ondulations et d'ourlets, évoquant membranes charnelles, mollusques ou coquillages, sont nées des inventions graphiques intrigantes, inquiétantes voire monstrueuses.  

Mais, bien que de prime abord ces gravures puissent paraître totalement fantaisistes, des pièces furent exécutées d'après ces modèles. Celui présenté en planche 42 du recueil est une aiguière à couvercle, originale et sculpturale, aux contours zoomorphes et humains : le pied est un singe accroupi qui porte l'ensemble tel un Atlas, l'anse une chevelure de femme, le versoir une tête de monstre au long cou. Adam van Vianen façonna cette pièce en 1614 sur commande de la guilde des orfèvres d'Amsterdam pour commémorer la mort de son frère Paul décédé l'année précédente à Prague où il occupait le rang d'orfèvre favori à la cour de Rodolphe II (1552-1612).

Christiaen van Vianen, [Portrait d'Adam Van Vianen], [Vers 1646-1652], Gravure, Bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet, 4 EST 275. Cliché INHA  - Lidded ewer, Adam van Vianen, 1614 gedateerd, Rijksmuseum, Amsterdam , inv./cat.nr BK-1976-75
Christiaen van Vianen, [Portrait d'Adam Van Vianen], [Vers 1646-1652], Gravure, Bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet, 4 EST 275. Cliché INHA - Lidded ewer, Adam van Vianen, 1614 gedateerd, Rijksmuseum, Amsterdam , inv./cat.nr BK-1976-75

Réalisée en argent, l'aiguière sera dorée à une date ultérieure. Considérée comme le symbole de l'orfèvrerie auriculaire, elle devient à l'époque même de sa création l'œuvre la plus célèbre d'Amsterdam comme le souligne Reinier Baarsen, conservateur au Rijksmuseum. Elle sera en effet représentée à maintes reprises par les peintres néerlandais de l'Âge d'or. L'objet apparaît dans des scènes bibliques, historiques ou mythologiques, par exemple chez Jan Tengnagel (1584?-1631) dans La Clémence de Scipion, chez Pieter Lastman (1584-1633) dans Ulysse et Nausicaa, chez Govert Flinck (1615-1660) dans Manius Curius refusant les dons des Samnites, chez Gerbrand van den Eeckhout (1621-1674) dans Isaac bénissant Jacob...

 [Détails d'autres toiles présentant l'aiguière de van Vianen : Barend Graat, Pandora (1676) - Gerbrand van den Eeckhout, La Clémence de Scipion(1650-1655) - Adriaen van Nieulandt, Scène de cuisine (1616) - Rijksmuseum, Amsterdam]
[Détails d'autres toiles présentant l'aiguière de van Vianen : Barend Graat, Pandora (1676) - Gerbrand van den Eeckhout, La Clémence de Scipion(1650-1655) - Adriaen van Nieulandt, Scène de cuisine (1616) - Rijksmuseum, Amsterdam]

Conservée au Rijksmuseum (inv./cat.nr. BK-1976-75) depuis son acquisition lors d'une vente de 1976, l'aiguière d'Adam van Vianen jouit toujours d'une grande popularité puisqu'elle a encore occupé une place centrale dans l'exposition « KWAB. Dutch Design in the Age of Rembrandt » qui vient de se clôturer le 16 septembre 2018.


Références bibliographiques

 

Élodie Desserle
Service de l'informatique documentaire

Publié par Elodie DESSERLE le 16 octobre 2018 à 16:00

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