Boston Public LibraryParcours artistique et architectural du bâtiment McKim

Boston Public Library, tête de Minerve et devise de la bibliothèque : Free to all. Source : Flickr, cliché Eddie Trefurt

À Copley Square, dans la ville de Boston, se trouve la plus ancienne bibliothèque publique des États-Unis, la Boston Public Library, fondée en 1848. La bibliothèque centrale actuelle est constituée de deux bâtiments : le bâtiment McKim, inauguré en 1895, et le bâtiment Johnson, inauguré en 1972 et récemment rénové pour offrir les services attendus d'une bibliothèque du XXIe siècle. Considéré comme un bâtiment exemplaire de l’architecture américaine de la fin du XIXe siècle, le bâtiment McKim abrite de nombreux trésors réalisés par des artistes reconnus dont un peintre français. Cette bibliothèque résulte en effet d'un véritable projet artistique.

Le bâtiment et son décor : un projet artistique

Construit entre 1888 et 1895, le bâtiment McKim de la bibliothèque centrale est le chef-d'œuvre de son architecte et éponyme, Charles Follen McKim du cabinet McKim, Mead & White. Il constitue en effet un véritable  projet artistique : McKim, de concert avec les administrateurs de la Boston Public Library, développe des partenariats avec certains des plus grands artisans, peintres et sculpteurs du XIXe siècle. En choisissant d’intégrer des œuvres d’art à la décoration de la bibliothèque, les commanditaires affichent leur objectif d’inspirer et d’élever l'esprit des usagers de ces lieux.

Cette ambition est visible dès l'extérieur de l'édifice. McKim conçoit la façade de la Boston Public Library en incluant des éléments de décor qui rendent hommage à la ville et à l'institution. Une corniche en cuivre oxydé avec un motif alternant coquillages et dauphins orne la ligne de toiture, faisant référence à l'histoire maritime de la ville. Le sculpteur Domingo Mora crée trente-trois médaillons entre les arcs des fenêtres, représentant les emblèmes des libraires et des imprimeurs. Au centre de la façade de Dartmouth Street, trois sceaux sculptés par Augustus Saint-Gaudens représentent le Commonwealth du Massachusetts, la bibliothèque et la ville de Boston. En dessous, Saint-Gaudens et Mora ont sculpté la tête de Minerve, déesse de la Sagesse, surplombant la devise de la bibliothèque : FREE TO ALL (gratuit pour tous).

Augustus Saint-Gaudens, Domingo Mora, Tête de Minerve et devise de la bibliothèque Free to all. Source Flickr, cliché Eddie Trefurt
Augustus Saint-Gaudens, Domingo Mora, Tête de Minerve et devise de la bibliothèque Free to all. Source Flickr, cliché Eddie Trefurt

Lors de la conception de la façade de l'édifice, McKim s'inspire des proportions d'une bibliothèque française, la Bibliothèque Sainte-Geneviève, inaugurée quelques années auparavant, en 1851 à Paris.

Installées en 1912 devant l'entrée de la bibliothèque, deux statues allégoriques de Bela Pratt, artiste bostonien, représentent la Science avec un globe terrestre comme attribut et l'Art tenant une palette et un pinceau. Des études de ces sculptures sont présentes dans les collections du Boston Museum of Fine Arts.

Bela Pratt, statue allégorique de l'Art. Cliché Ludivine Schott, 2018
Bela Pratt, statue allégorique de l'Art. Cliché Ludivine Schott, 2018

Le vestibule

Le vestibule est le premier espace que les usagers découvrent lorsqu'ils entrent dans l'édifice par le trio de portes qui donne sur Copley Square. S'ouvrant sur le hall de l'édifice, ces trois paires de portes en bronze, sculptées en bas-relief par Daniel Chester French, sont ornées de figures allégoriques : Musique, Poésie, Connaissance, Sagesse, Vérité et Romance. Les murs de marbre rose de Knoxville, en contraste, ajoutent de la chaleur à cette entrée.

Vestibule avec une des 3 paires de portes en bronze sculptées par Daniel Chester French. Cliché Ludivine Schott, 2018
Vestibule avec une des 3 paires de portes en bronze sculptées par Daniel Chester French. Cliché Ludivine Schott, 2018

Le hall d'entrée

Le hall McKim, dont le sol est en marbre de Géorgie incrusté de motifs en laiton, est composé de trois nefs à plafonds voûtés. Les plafonds, revêtus de carreaux de mosaïque posés par des artisans immigrés italiens vivant dans le quartier North End de Boston, sont ornés de motifs romains et portent les noms de trente hommes d'État célèbres du Massachusetts.

Voûtes en mosaïque du hall d'entrée. Cliché Ludivine Schott, 2018
Voûtes en mosaïque du hall d'entrée. Cliché Ludivine Schott, 2018

Les voûtes en mosaïque sont réalisées par Rafael Guastavino, un constructeur espagnol spécialisé dans les plafonds à voûtes en céramique de style méditerranéen. Il propage aux États-Unis le système de la voûte catalane.

Le grand escalier

L'escalier menant de l'entrée de la bibliothèque au premier étage invite le public à gravir ses marches en marbre de l'Echaillon. Le hall de l'escalier est constitué de marbre jaune de Sienne. On y découvre une paire de lions, sculptures de Louis Saint-Gaudens, qui commémorent deux régiments d'infanterie du Massachusetts volontaires pendant la guerre civile : le deuxième et le vingtième.

Escalier central orné par deux lions sculptés par Louis Saint-Gaudens, et des panneaux peints par Puvis de Chavannes. Cliché Maciek Lulko
Escalier central orné par deux lions sculptés par Louis Saint-Gaudens, et des panneaux peints par Puvis de Chavannes. Cliché Maciek Lulko

La galerie Puvis de Chavannes

Au XIXe siècle, l'artiste français Pierre Puvis de Chavannes est considéré comme l'un des plus grands peintres muralistes de son temps. Sa commande pour la Boston Public Library constitue sa seule œuvre murale hors de France. Puvis n'a jamais vu l'œuvre installée, il peint ses panneaux sur du lin à Paris et les expédie à Boston en 1895-1896. La technique du marouflage (pâte de blanc de plomb et de lin) sera utilisée pour fixer les toiles aux murs. Avec leur palette harmonieuse, que l'artiste choisit à partir d'un échantillon du marbre jaune de Sienne de l'escalier, les peintures s'intègrent parfaitement dans leur environnement architectural. L'artiste travaille sur une maquette à taille réelle, reconstituée dans un atelier parisien.

Autour de l'escalier principal se trouvent huit panneaux représentant les disciplines que l'on retrouve dans le fonds documentaire de la bibliothèque. De gauche à droite, face aux fenêtres centrales donnant sur la cour principale, se trouvent Philosophie, Astronomie, Histoire, Chimie, Physique, Poésie pastorale, Poésie dramatique et Poésie épique. Sur un long panneau flanquant l'entrée du Bates Hall figurent les Muses inspiratrices qui acclament le Génie, messager de Lumière. Vues d'en bas, les Muses donnent l'impression de s'envoler au-dessus de la rembarde.

Puvis de Chavannnes, Les Muses inspiratrices qui acclament le Génie messager de Lumière. Cliché Ludivine Schott, 2018
Puvis de Chavannnes, Les Muses inspiratrices qui acclament le Génie messager de Lumière. Cliché Ludivine Schott, 2018

Puvis de Chavannnes, Les Muses inspiratrices qui acclament le Génie messager de Lumière, détail. Cliché Ludivine Schott, 2018
Puvis de Chavannnes, Les Muses inspiratrices qui acclament le Génie messager de Lumière, détail. Cliché Ludivine Schott, 2018

Restauration du panneau Philosophie en septembre 2016

Bates Hall

La salle de lecture principale de la bibliothèque centrale porte le nom du premier grand mécène de la bibliothèque, Joshua Bates (1788-1864). Bates, qui a grandi sans bibliothèque publique, a offert de financer l'achat de livres pour la Boston Public Library dès sa fondation en 1852. Son don est soumis à condition : la nouvelle bibliothèque doit être « un ornement pour la ville », « gratuite pour tous » et accueillir au moins 150 usagers.

Bates Hall s'étend sur toute la partie du bâtiment McKim qui longe Dartmouth Street et supporte un impressionnant plafond voûté en berceau de 15 mètres de haut. Les bibliothèques et les tables en chêne anglais de la salle sont utilisées quotidiennement depuis l'ouverture du bâtiment en 1895.

Bates Hall, salle de lecture. Cliché Ludivine Schott, 2018
Bates Hall, salle de lecture. Cliché Ludivine Schott, 2018

Abbey Room

Aujourd'hui nommée en l'honneur de l'artiste américain qui orne ses murs d'un cycle mural, Abbey Room servait autrefois de salle de livraison des livres, où les usagers de la bibliothèque attendaient les ouvrages qu’ils avaient demandés au bureau de Bates Hall.

Illustrateur établi pour le Harper's Magazine, Edwin Austin Abbey (1852-1911) a peu d'expérience dans le domaine de la peinture à l'huile et n'a jamais réalisé de peintures murales avant d'accepter la commande de la bibliothèque en 1893.

En quinze panneaux encerclant la salle, il représente la quête du Graal de Sir Galahad, combinant de multiples versions de la légende du Graal, une histoire familière des usagers des bibliothèques du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Le manteau rouge de Sir Galahad - représentant la pureté - rend le protagoniste reconnaissable sur chaque panneau alors qu'il poursuit sa quête.

Originaire d'Amérique, Abbey peint ses panneaux muraux en Angleterre, où il réside. Une fois les toiles terminées, il les accompagne à Boston lors de deux installations, les fixant aux murs grâce à la technique du marouflage.

Abbey Room. Source : Flickr, cliché  Darrell Miller.
Abbey Room. Source : Flickr, cliché Darrell Miller.

La galerie Sargent

Le peintre américain John Singer Sargent (1856-1925) passe 29 ans de sa carrière, entre 1890 et 1919, à décorer une des salles de la bibliothèque, au troisième étage du bâtiment McKim. Bien que Sargent soit né en Italie dans une famille américaine et qu'il ait passé la majeure partie de sa vie en Europe, il entretient des liens étroits avec Boston. Connu principalement pour ses portraits, il considère la commande pour la nouvelle bibliothèque centrale comme l’occasion de créer un chef-d'œuvre.

Le thème qu'il a choisi, Le triomphe de la religion, intègre un large éventail de l'iconographie des premiers systèmes de croyances égyptiens et assyriens, du judaïsme et du christianisme, tels que l’artiste les a étudiés. Ils seront soumis à controverse, en particulier la représentation de la synagogue jugée diffamatoire.

Sargent peint ses panneaux muraux en Angleterre. Il lui faut quatre voyages à Boston pour procéder à leur installation. Pour illuminer ses personnages peints dans la salle éclairée, l'artiste incorpore des moulures dorées et plus de 600 pièces en relief conçus avec des matériaux comme le plâtre, le métal, le bois et le verre. Le décès de Sargent en 1925 interrompt son œuvre, le panneau central du mur est, destiné à illustrer le Sermon sur la montagne, ne sera jamais achevé ; le panneau demeure vide à ce jour.

Source : Wikimedia Commons, cliché Miguel Hermoso Cuesta [CC BY-SA 4.0]
Source : Wikimedia Commons, cliché Miguel Hermoso Cuesta [CC BY-SA 4.0]
Source : Wikimedia Commons, cliché Miguel Hermoso Cuesta [CC BY-SA 4.0]
Source : Wikimedia Commons, cliché Miguel Hermoso Cuesta [CC BY-SA 4.0]
Source : Wikimedia Commons, cliché Miguel Hermoso Cuesta [CC BY-SA 4.0]
Source : Wikimedia Commons, cliché Miguel Hermoso Cuesta [CC BY-SA 4.0]

Cour intérieure

Charles Follen McKim dessine la cour de la bibliothèque centrale après celle du Palazzo della Cancelleria à Rome. Son arcade couverte entoure une place ouverte au centre de laquelle se trouvent un bassin et une fontaine.

L’œuvre majeure de la cour est sans nul doute la statue en bronze de Bacchante et du petit faune de Frederick MacMonnies (1863-1937), offerte à la bibliothèque par McKim lui-même. Lorsqu'elle est dévoilée en 1896, cette statue provoque une frénésie parmi les Bostoniens, outrés par son apparente complaisance à boire (elle tient dans sa main tendue une grappe symbolique de raisins), sa débauche (nue, figure dansante) et surtout, par le fait de soumettre le bébé tenu dans son bras gauche à cette attitude. La communauté réclame son retrait et, en 1897, McKim transfert son don au Metropolitan Museum of Art de New York. Dans le cadre du projet de restauration du bâtiment McKim dans les années 1990, la ville de Boston commande une copie de la copie originale de la Bacchante qui se trouve au Boston Museum of Fine Arts pour la ramener à son emplacement d'origine, près d'un siècle plus tard.

Cour intérieure, statue en bronze de Frederick MacMonnies. Cliché Ludivine Schott, 2018
Cour intérieure, statue en bronze de Frederick MacMonnies. Cliché Ludivine Schott, 2018
 Frederick MacMonnies, Bacchante et le petit faune. Cliché Ludivine Schott
Frederick MacMonnies, Bacchante et le petit faune. Cliché Ludivine Schott

Une restauration majeure de la bibliothèque conduite par le cabinet Shepley Bulfinch au tournant des années 1990-2000 a permis de remettre en lumière l'importance de ce bâtiment pour l'histoire des bibliothèques publiques et pour l'histoire de l'architecture des États-Unis de la fin du XIXe siècle.

 

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Ludivine Schott
Service de l'informatique documentaire

Publié par lschott le 10 juillet 2019 à 10:00

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