Graver au XVIIIe siècle : Louis-Marin Bonnet

Louis-Marin Bonnet, Tête de femme, entre 1773 et 1789, estampe à la manière de pastel, bibliothèque de l'INHA - collections Jacques Doucet (EA BONNET 229). Cliché INHA

L'essor de la gravure et de ses techniques au XVIIIe siècle s'inscrit dans le développement du dessin contemporain. Les graveurs cherchent par tous les moyens à reproduire les œuvres des grands maîtres quelles que soient les techniques employées (pastel, aquarelle, crayon....). 

L'estampe devient un outil privilégié pour la diffusion des modèles. Grâce à elle, les apprenties peintres et dessinateurs peuvent s'entraîner à reproduire les œuvres des grands maîtres. Le développement du dessin comme passe-temps participe aussi au succès des estampes, permettant une diffusion à grande échelle de modèle/d'académie pour les artistes amateurs. Certains, en plus de reconnaître une utilité à cette technique, lui attribuent volontiers un  « esthétisme propre ». Tous les critères à son succès sont réunis.

La bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art conserve un fonds important d'estampes de cette époque. En effet, dès les débuts de la bibliothèque d'art et d'archéologie, Jacques Doucet a entrepris de réunir un ensemble de gravures anciennes. Cette collection compte « environ 2500 pièces allant du XVIe au XVIIIe siècle ». Au sein des estampes anciennes, sous la cote EA, se trouve un fonds de 461 estampes qui sont l'œuvre de Louis-Marin Bonnet (1736-1793).

Louis-Marin Bonnet, biographie & formation

Louis-Marin Bonnet est né en 1736 à Paris. En 1749, alors qu'il a environ 13 ans, son oncle le fait entrer comme apprenti dans l'atelier d'un maître imprimeur en taille douce. Vers 1760, un rapport du guet nous confirme qu'il est « graveur » et accessoirement qu'il jette par la fenêtre de sa chambre de l'eau et « des morceaux de [thuiles], par malice et pour s'amuser, [...] sur ceux qui se promènent sur ledit port ». En 1764, Louis-Marin Bonnet effectue un voyage en Russie avec son protecteur d'alors, le marquis de Bausset. Il revient en France en 1766 et s'y installe définitivement.

Les adresses de Louis-Marin Bonnet:

Tout au long de sa carrière, Louis-Marin Bonnet a tenu boutique à différentes adresses. Ce sont autant d'indices qui nous permettent de dater nos estampes et nous renseignent sur l'évolution de son statut et de son activité. De simple graveur, il devient aussi éditeur. Au début de son activité entre 1760 et 1767, Louis-Marin Bonnet fait principalement éditer ses estampes chez la veuve Chéreau.


Louis-Marin Bonnet, EA BONNET 6

À partir de 1767, Bonnet édite le plus souvent lui-même ses estampes. On lui connaît plusieurs adresses successives :

  • de 1767 à 1773, il est domicilié à la « rue Gallande Place Maubert, la Porte Cochere entre un Chandelier et un Layetier » ou « Rue Gallande »
  • puis, entre 1773 et 1776, il est « rue S.t Jacques, au coin de celle du Platre », aussi mentionnée « Rue saint Jacques »
  • de 1776 à 1789, on le retrouve « rue S.t Jacques, au coin de celle de la Parcheminerie, au Magazin Anglois »
  • enfin, en 1789, sa dernière adresse connue est « rue du Plâtre, la 2e porte à gauche en entrant par la rue St. Jacques ».

On trouve aussi des adresses fictives destinées à faire croire à « l'existence d'un graveur à Londres » : par exemple, sur l'estampe EA BONNET 15 (1), on peut lire l'adresse suivante : 


EA BONNET 326

À savoir :

On observe parfois sur les estampes, en plus de l'adresse et du titre, les mentions suivantes : « Delin », « delineavit », « Pinx », « sculpt », « fecit », « inv ». Ces mentions indiquent le créateur du motif (Delin, del, Pinx, inv) et son graveur (sculp, fecit). Ce sujet avait déjà été traité dans un précédent billet

 

 

 

Dans le cas des estampes de Bonnet, on retrouve des grands noms de la peinture : Carle Van Loo, Charles-Joseph Natoire, François Boucher, Joseph-Marie Vien, Jean-Baptiste-Marie Pierre, Jean-Baptiste Greuze, Jean-Antoine Watteau, Jean-Baptiste Huet, Edme Bouchardon, etc.

Louis-Marin Bonnet, un graveur novateur

Notre fonds d'estampes Louis-Marin Bonnet constitue un ensemble très riche et complet aussi bien en termes de techniques de gravure que de sujets. Il nous permet de suivre l'évolution de ce graveur prolixe et novateur que fut Bonnet de ses débuts jusqu'à la fin de sa carrière.

Son œuvre s'inscrit dans cette course à l'innovation que connaît la gravure au XVIIIe siècle. Le fonds présent à la bibliothèque illustre parfaitement le développement des différentes techniques de gravure. Au milieu des pièces plus commerciales qui nous offrent un aperçu du goût de l'époque, on trouve des estampes d'une très grande complexité  à l'instar de la tête de femme ci-dessus (EA BONNET 229) ou encore cette estampe gravée à l'or (EA BONNET 270). Ces œuvres visaient à accroître sa renommée et leur création faisait souvent l'objet d'une publication dans des journaux comme le Mercure de France.


Louis-Marin Bonnet, Buste de jeune fille de face, la tête penchée à droite,1776, estampe à la manière de crayon imprimée avec de l'or, bibliothèque de l'INHA - collections Jacques Doucet (EA BONNET 270). Cliché INHA

Techniques :

Tout au long de sa carrière, Bonnet s'est attaché à développer ou perfectionner différentes techniques (eau-forte, lithographie) reproduisant plusieurs manières de dessin telles que la manière de crayon, de pastel, de lavis, au pointillé, etc.

Le fonds présente des exemples allant du simple tirage en noir et blanc ou à la sanguine (voire sanguine brûlée) à des pièces plus complexes, imprimées en plusieurs couleurs. Ces impressions pouvaient être également effectuées sur des papiers de différentes teintes : blanc, bleu, noir ou brun.


Louis-Marin Bonnet, Giroflée double à gauche, tulipe à droite ; les tiges liées par une fibre, 1773-89, estampe à la manière de crayon, tirage sanguine, bibliothèque de l'INHA - collections Jacques Doucet (EA BONNET 25 (14)). Cliché INHA

Sujets :

Les thèmes abordés sont extrêmement variés et caractéristiques de l'époque : scènes de genre, portraits de la famille royale de France et des personnages de la cour de Russie, des scènes mythologiques ou religieuses, mais encore des dessins reprenant des principes de dessins.


Louis-Marin Bonnet, La Sagesse et la Justice, 1767-1771, estampe à la manière de crayon, tirage en noir et blanc, bibliothèque de l'INHA - collections Jacques Doucet (EA BONNET 1). Cliché INHA

Le travail sur les collections

Le récolement

Du 15 décembre 2015 au 28 janvier 2016, deux moniteurs étudiants, Clément Michon et Constance Calderari-Froidefond, ont effectué le récolement de plus de 1325 estampes anciennes en feuille que rassemble notre collection. Ceci a permis d'identifier les manques de la collection, dû le plus souvent à « des disparitions ponctuelles dans certaines séries complètes ». Ce travail fut également l'occasion d'effectuer un bilan sur leur état, qui, pour la grande majorité des planches, est assez satisfaisant. Enfin, le récolement nous a fourni les outils nécessaires pour effectuer la vérification des fiches de catalogue pour le fonds Louis-Marin Bonnet.

La rétroconversion et vérification des notices

Comme ce fut le cas pour les collections d'estampes modernes,  le département du patrimoine a entamé une campagne de vérification et de correction des notices de catalogue des estampes anciennes. En effet la rétroconversion du catalogue a pu entraîner dans certains cas, la perte ou le mélange de certaines données. Cette étape de vérification est un pré-requis nécessaire avant d'entamer la numérisation des estampes et permettre leur mise en ligne. Dans le cas de Louis-Marin Bonnet, 342 notices ont été reprises, complétées, et parfois créées.


Capture d'écran de la notice visible en ligne sur la catalogue de la bibliothèque de l'INHA


Fiche d'inventaire d'une estampe de Louis-Marin Bonnet, Inventaire de la Bibliothèque d'art et d'archéologie - collections Jacques Doucet. Cliché INHA

Cette opération a permis, avec l'aide du catalogue raisonné de l'artiste, de dictionnaires et d'inventaires, d'affiner la datation des estampes de notre collection, et de proposer des notices complètes et utilisables. Ces notices permettront à terme la numérisation de ce fonds dans les années à venir.

À savoir :

Gallica a récemment mis en ligne sa collection d'estampes de Louis Marin Bonnet. 178 estampes sont d'ors et déjà consultables en ligne.

Bibliographie :

Jacques Hérold, Louis Marin Bonnet (1736-1793). Catalogue de l'œuvre gravé, Paris, M. Rousseau, 1935

Emmanuelle Delapierre, Quand la gravure fait illusion. Autour de Watteau et Boucher le dessin gravé au XVIIIe siècle, Roubaix, 2006

Maxime Préaud, Pierre, Pierre Casselle, Marianne Grivel, Corine Le Bitouzé, Dictionnaire des éditeurs d'estampes à Paris sous l'ancien Régime, Paris, Ed. Promodis, 1987, p.80 (Libre accès, NE649.P3 DICT 1987)

ROUX Marcel (dir.), Inventaire du fonds français, graveurs du XVIIIe siècle, Tome III, Comte de Bizemont-Prunelé  et Laurent Cars (ed.), Paris, Bibliothèque nationale de France, 1934, p. 138-181

Sites internet :

Lucie Robert

Service du Patrimoine

Publié par ccachaud le 2 mai 2017 à 12:47

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