Atelier de Jean-Baptiste Plantar, album de dessins d'architecture et d'art décoratif, [1810-1850]Tous les jours 20 ans !

Jean-Baptiste Plantar, Priant de Philippe de Villiers de L’Isle-Adam, crayon et aquarelle sur papier, [1832-1848], INHA, Ms 675, f. 18. Cliché INHA

Pour les 20 ans de la création de l’INHA, les agents et agentes de l’institut ont sélectionné des documents entrés dans les collections de la bibliothèque ces vingt dernières années et vers lesquels leur cœur les portait. Patrimoniaux ou plus courants, ces documents seront exposés au centre de la salle Labrouste tout au long du mois de janvier 2022, à raison d’un par jour, accompagné d’un texte écrit par la personne qui l’a choisi. Ces présentations reflètent les rapports personnels que nous entretenons toutes et tous à l'art, à son histoire et ses sources, au-delà de la dimension scientifique. Vous retrouverez également ces textes au fil des jours sur le blog de la bibliothèque.

Atelier de Jean-Baptiste Plantar (1790-1879)
Album de dessins d'architecture et d'art décoratif, [1810-1850]
Crayon graphite, encre, lavis et aquarelle sur papier et calque
22,5 × 30,2 cm
INHA, Ms 675
Achat en vente publique, Piasa (Paris), 10 décembre 2003

J’ai rencontré Jean-Baptiste Plantar, ou du moins ce qu’il reste de son travail à Versailles, dans la Grande salle des Croisades où trône le priant de Philippe de Villiers de l'Isle-Adam, dont le piédestal en plâtre est toujours décoré des ornements du sculpteur. J’étais alors en première année de master à l’École du Louvre dans ce qu’on appelle, dans le jargon de l’école, le « groupe Versailles », en partenariat avec le centre de recherche du château. Je travaillais sur Les anciennes Collections d’Alexandre Lenoir dans les Galeries historiques de Versailles, sous la direction de Raphaël Masson et de Lionel Arsac. Les ornements du piédestal retinrent mon attention et je commençai, durant ma seconde année de master, à m’intéresser aux sculptures, si abondantes dans les salles du château, de Jean-Baptiste Plantar (1790-1879), ornemaniste et dernier sculpteur des Bâtiments du Roi.

Je découvris, dans les collections de la bibliothèque de l’INHA, six albums provenant de l’atelier de Jean-Baptiste Plantar, dont celui-ci. Né dans une famille de maîtres-sculpteurs de l’Académie de Saint-Luc, Plantar se forme, après un apprentissage familial, à l’École des beaux-arts. Il débute ensuite sa carrière sous le Premier Empire, notamment au palais du Louvre, sous la direction de l’architecte Pierre-Léonard Fontaine, collaborateur devenu ami.

Vers 1815, Plantar s’installe passage Sainte-Marie, près de la rue du Bac. Face à l’abondance des commandes, le sculpteur est bientôt à la tête d’un atelier important employant des ouvriers à la journée, mais aussi des élèves en passe de devenir des artistes accomplis à l’instar de Michel Liénard (1810-1870), mon autre lien avec l’INHA puisque Sophie Derrot, directrice adjointe de la bibliothèque, a soutenu, il y a quelques années, une thèse sur cet ornemaniste. On décèle d’ailleurs quelques croquis de cet artiste dans les albums de son maître conservés à la bibliothèque de l’INHA.

S’ensuivent de nombreux autres chantiers prestigieux dont les dessins de cet album témoignent, notamment celui des Galeries historiques de Versailles qui occupent une place tout à fait majeure dans l’œuvre de Plantar, qui s’y emploie de 1832 à 1848. Sur l’une des feuilles de l’album, Plantar exécute quelques croquis destinés à la fameuse Grande salle des Croisades. Au centre figure le dessin pour le priant de Philippe de Villiers de L’Isle-Adam. Cette œuvre provenant du musée des Monuments français, fermé en 1816, rejoint finalement les collections versaillaises pour contribuer au grand dessein de Louis-Philippe pour l’ancienne résidence royale. D’abord exposée telle quelle dans la galerie de pierre du rez-de-chaussée de l’aile du Nord, en 1834, elle est bientôt destinée à la Grande salle des Croisades. Pour s’harmoniser parfaitement au décor créé par Frédéric Nepveu – décor auquel Plantar a largement contribué –, le priant est augmenté d’un piédestal en plâtre confié aux bons soins de Plantar. Le dessin de l’INHA figure, sur l’une des faces du piédestal, les armes de Villiers de L’Isle-Adam tenues par un ange et légendées du nom du grand maître des Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, sur un fond garni de lys en rinceaux. L’autre face représente un heaume au milieu de palmes, dans un médaillon. Dans la version définitive du piédestal, la figure de l’ange est abandonnée, de même que les palmes qui deviennent deux couronnes de laurier, le tout exécuté pour 800 F.

Jean-Baptiste Plantar, album de dessins d'architecture et d'art décoratif, [1832-1848], INHA, Ms 675, f. 18. Cliché INHA
Jean-Baptiste Plantar, album de dessins d'architecture et d'art décoratif, [1832-1848], INHA, Ms 675, f. 18. Cliché INHA

Après avoir élucidé le mystère de la création du piédestal, j’ai été intriguée par le croquis très esquissé présenté sur la droite de cette même feuille, accompagné d’une sorte d’état des dépenses comprenant la fourniture de l’albâtre, du socle, du sciage, de la taille mais aussi de la sculpture. Après avoir parcouru les archives et les salles du château, j’ai compris qu’il s’agissait du gisant du duc de Montpensier copié par Auguste Trouchaud, et dont le piédestal a donc aussi – très probablement – été réalisé par Plantar. Les albums de l’INHA, et en particulier celui-ci, représentent alors une porte d’entrée formidable dans l’univers de Plantar, du côté de la conception de ses ornements. Il s’agit en réalité d’une enquête visant à reconnaître et associer tel motif avec telle réalisation, une enquête si prenante qu’elle a fini par me mener en thèse à l’École du Louvre et à l’EPHE, où j’ai entrepris un travail monographique sur ce sculpteur, financé par l’INHA.

Après une vie consacrée tout entière à la sculpture, Plantar se retire des affaires dans les années 1860, date à laquelle il commence sans doute à rassembler ses dessins les plus signifiants dans le confort de son appartement de la rue de la Visitation Sainte-Marie, au no 2, comme le sculpteur le précise lui-même sur l’une des premières pages de l’album.

 Justine Gain
Département des Études et de la recherche

Publié par Jérôme DELATOUR le 5 janvier 2022 à 09:55

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