Nathanaëlle Herbelin, Être ici est une splendeurExposition contemporaine au musée d'Orsay

Nathanaëlle Herbelin, Emmanuelle et Efi, huile sur toile, 90 × 90 cm, 2024.  © Courtesy de l'artiste et de la Galerie Jousse Entreprise/ Photo : Objets pointus/ © Adagp, Paris, 2024.

Si vous venez au musée d’Orsay découvrir l’exposition Paris 1874 : inventer l’impressionnisme, profitez-en pour explorer la salle 69 du deuxième étage où se trouve une exposition poétique et contemporaine de l’artiste Nathanaëlle Herbelin. L’exposition se tient jusqu’au 30 juin 2024 et occupe deux salles. Vous pouvez aussi consulter l'ouvrage sur Nathanaëlle Herbelin paru aux Éditions Dilecta et acquis par l’INHA en 2024 .

Artiste franco-israélienne diplômée de l’École des beaux-arts de Paris en 2016, son art et sa pratique sont influencés (entre autres) par les Nabis. Nathanaëlle connaît bien le musée d’Orsay. C’est un endroit qu’elle a beaucoup fréquenté et qui l’a inspirée. Certaines de ses œuvres sont mises en lumière entourées des toiles de Pierre Bonnard, Félix Vallotton, Édouard Vuillard... Nous pouvons donc parler d’une rencontre entre l’artiste et les Nabis. Le choix des œuvres et leurs imbrications furent mûrement réfléchis. Le but n’étant pas de confronter mais de faire dialoguer les tableaux entre eux.

Un tableau a été peint par l’artiste après l’annonce de son exposition au musée d’Orsay, qui nous rappelle celui de Pierre Bonnard, La Femme au chat. Il montre sa petite sœur, elle-même artiste, assise avec un chat sur ses genoux et humant la tête de celui-ci. Cette œuvre résonne avec celle de Bonnard dans sa représentation et son universalité. Le quotidien du petit déjeuner, les odeurs qui l’accompagnent, le lien entre l’homme et l’animal… À travers les deux tableaux, nous imaginons le prolongement de la table : une mise en abyme qui nous invite à regarder l'œuvre mais aussi à en faire partie. Pour découvrir les œuvres de l’artiste Pierre Bonnard, rendez-vous en en libre accès à la bibliothèque de l’INHA, sous la cote NZ BONN3.

À gauche : Nathanaëlle Herbelin, Emmanuelle et Efi, huile sur toile, 90 × 90 cm, 2024.  © Courtesy de l'artiste et de la Galerie Jousse Entreprise/ Photo : Objets pointus/ © Adagp, Paris, 2024. À droite : Pierre Bonnard, La Femme au chat, huile sur toile, 78 × 77,5 cm, vers 1912. Paris, musée d'Orsay, legs baronne Eva Gebhard-Gourgaud, 1965. Photo RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Sylvie Chan-Liat.
À gauche : Nathanaëlle Herbelin, Emmanuelle et Efi, huile sur toile, 90 × 90 cm, 2024. © Courtesy de l'artiste et de la Galerie Jousse Entreprise/ Photo : Objets pointus/ © Adagp, Paris, 2024. À droite : Pierre Bonnard, La Femme au chat, huile sur toile, 78 × 77,5 cm, vers 1912. Paris, musée d'Orsay, legs baronne Eva Gebhard-Gourgaud, 1965. Photo RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Sylvie Chan-Liat.

Les thèmes abordés par Nathanaëlle Herbelin nous sont familiers. Il s’agit de scènes d’intérieurs, de scènes intimes, de féminité, d’amour, de vie…Certains tableaux représentent des objets de l’époque moderne tels que des ordinateurs ou des prises électriques. Ces scènes de genre sont évocatrices de notre siècle : la question de la pilosité et de l’épilation chez la femme, la nudité, la vie en couple, la maternité, etc. L’artiste voue une importance aux détails et aux sens qu’on leur accorde. Pouvoir s’identifier à ce qui est représenté, est une de ces volontés. Il ne s’agit pas de peindre un moment unique, ou bien précieux dans sa rareté. Représenter le quotidien des gens et faire voir la beauté dans une scène ordinaire anime Nathanaëlle Herbelin. Il s’agit de sublimer le plus commun des moments.

Lorsqu’on déambule dans l’une des salles, nous tombons sur le tableau Être ici est une splendeur. Sur cet autoportrait de la peintre, nous la voyons debout dans une baignoire en train de se rincer. Nous devinons qu’elle est enceinte. Or, au moment où elle fit ce tableau, elle n’était pas enceinte. Le titre accordé à cette toile est une référence au récit biographique de Marie Darrieussecq sur l’artiste peintre Paula Modersohn-Becker. Cette dernière réalise, en 1906, une toile la représentant enceinte alors qu’elle ne l’était pas. Elle sera alors la première femme à se peindre nue dans l'histoire de l'art. Peut-on parler d’une force dans l’art ou du hasard, les artistes tomberont enceintes peu de temps après la création de leurs tableaux… De nombreux ouvrages sur Paula Modersohn-Becker sont en libre accès à la bibliothèque de l’INHA, sous la cote NZ MODE7. Si vous souhaitez découvrir cette artiste d’une incroyable modernité, foncez !

À gauche : Nathanaëlle Herbelin, Être ici est une splendeur, huile sur toile, 131 × 140 cm, 2022. Collection Privée © Courtesy de l'artiste et de la Galerie Jousse Entreprise/ Photo : Objets pointus/ © Adagp, Paris, 2024. À droite : Paula Modersohn-Becker, Autoportrait à l’occasion de son 6e anniversaire de mariage, huile sur toile, 101.8 cm × 70.2 cm, 1906. Musée Paula Modersohn-Becker.
À gauche : Nathanaëlle Herbelin, Être ici est une splendeur, huile sur toile, 131 × 140 cm, 2022. Collection Privée © Courtesy de l'artiste et de la Galerie Jousse Entreprise/ Photo : Objets pointus/ © Adagp, Paris, 2024. À droite : Paula Modersohn-Becker, Autoportrait à l’occasion de son 6e anniversaire de mariage, huile sur toile, 101.8 cm × 70.2 cm, 1906. Musée Paula Modersohn-Becker.

L’art figuratif est très présent dans l’œuvre de Nathanaëlle Herbelin. Les portraits, les natures mortes, les intérieurs sont principalement mis en avant dans cette exposition. Les intérieurs sont très souvent dénués de la présence d’êtres humains. Un décor souvent épuré qui nous en dit beaucoup sur l’histoire personnelle de l’artiste. On y voit les nombreux déménagements, la solitude mais aussi une lumière qui nous captive. Il y a de l’intime dans ce qu’elle représente mais aussi dans le sens caché des œuvres. L’artiste ne cesse de répéter qu’elle peint ce qui la touche. Cela peut être sa sœur, sa grand-mère, une personne croisée dans la rue, une lecture marquante, son propre corps, etc.

Même s’il est vrai que l’art figuratif est au cœur de ses toiles, l’artiste tend à s’approcher doucement de l’art abstrait. Le jeu de transparence qu’elle instaure dans certains de ces tableaux, nous montre des objets diaphanes qui se fondent dans le décor. Ils sont là. Mais, ils sont tellement là que nous finissons par nous y habituer. La question du numérique et des ordinateurs, leur présence dans notre quotidien devient banale. Il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit plus, même si c’est toujours présent. Elle frôle la frontière de l’(im)palpable, de l’onirique et de la réalité.

Par ailleurs, les deux catalogues d’expositions Rêvez #2 et Entre tes yeux et les images que j’y vois (un choix sentimental)vous permettront d’aller davantage à la rencontre de cette artiste et de son art. Rêvez #2, une exposition qui a eu lieu en 2017-2018 à la Collection Lambert à Avignon nous faisait remarquer cette artiste très empreinte des œuvres de Vilhelm Hammershøi avec ces intérieurs vides. Dans le second catalogue, l’exposition réunit un groupe d’artistes sortis pour la plupart de l’École des beaux-arts et s’est déroulée à Paris, à la Fondation Pernod Ricard, en 2022, avec en son cœur l’entourage des artistes, leur quotidien, leurs désirs. On retrouve dans l’exposition actuelle au musée d’Orsay mais aussi dans celle à la Fondation Pernod Ricard, Augustan. Ami de la peintre, il est représenté allongé sur un canapé de façon sensuelle et intime. Par ailleurs, une conversation croisée avec un ami des Beaux-Arts est aussi transcrite dans le catalogue. Les questions de choix du sujet, du titre, des expositions auxquelles on participe, de l’art en général, sont interrogés et nous permettent de comprendre plus subtilement l’artiste.

Sasha Wegiera

service du Développement des collections

Publié par Sophie DERROT le 23 mai 2024 à 10:00

Les champs suivis d'un astérisque * sont obligatoires

Sous les coupoles

Bienvenue sur le blog de la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art

Lire la suite

Archives